Lecture / Seizième printemps (BD)

De Yunbo (textes et dessins)

Éditions Casterman (2022)

120 pages

Environ 26 euros

Tout public

Lecture du 07/05/2022

Mes parents ont divorcé quand j’avais à peine cinq ans. Depuis, je pense souvent à cette période de séparation, surtout quand arrive mon anniversaire. Et je me demande chaque fois ce que j’ai fait de mauvais pour être ainsi, seule dans ce monde.  

Seizième printemps est un album qui suit le parcours de vie d’une jeune renarde prénommée Yeowoo, de ses cinq ans jusqu’à ses seize ans. Du divorce de ses parents à sa résidence forcée chez son grand-père et sa tante, en passant par les brimades de ses camarades de classe, Yeowoo ne se sent pas vraiment à sa place au village des renards… Elle y fait pourtant la connaissance de quelqu’un d’attentionné et avec une expérience de vie pour le moins insolite, Paulette la poule, qui l’invite dans son chez-soi douillet, pour discutailler et exprimer ce qui peut aller mieux.

Yeowoo parviendra-t-elle à trouver la force et la fantaisie de vivre ce dont elle a envie, sans se cacher derrière des masques et des postures trop faciles ? Ce sont des choix quotidiens, une philosophie de vivre au jour le jour qui est totalement à réinventer pour Yeowoo, et c’est une initiation à être soi-même dans laquelle le lecteur – même humain – se reconnaitra un peu et assurément !

Aux textes et aux dessins, Yunbo, qui compose dans Seizième Printemps une œuvre admirable, où poésie et grandir riment ensemble avec une délicatesse émouvante.

Mon ressenti :

Seizième printemps est une BD que j’ai eu l’occasion de découvrir à la Librairie des Signes de Compiègne, et j’ai eu un coup de cœur instantané pour la couverture, la stylisation charmante de la renarde et le décor urbain subtilement en arrière-fond qui me parle bien !

Mon impression la plus dominante dans le tourbillon d’émotions suscité par cette lecture marquante, c’est d’avoir côtoyé une jeune renarde qui vit son adolescence d’une manière tellement fidèle, vivante, spontanée, qu’elle a réveillé en moi tel et tel souvenir, au détour d’instants de vie qui sont des joyaux réels et vrais. C’est une lecture englobante, captivante dans un sens non atténué, et la complicité de Yeowoo et Paulette… comment pourrait-on l’oublier, même un an après mon premier feuilletage.

Tu sais, Yeowoo, on ne peut pas passer de l’hiver à l’été sans passer par le printemps…

L’histoire est celle de Yeowoo bien sûr, mais c’est avant tout un canevas délicat d’expériences personnelles, l’expression de choix souvent radicaux propres à chaque personnage, chacun mène sa barque à sa guise. Le père de Yeowoo, que l’on ne côtoie que quelques pages en début de BD tout juste avant son divorce, continue son bonhomme de chemin en dehors des pages dédiées à Yeowoo, et on le retrouve plus tard en couple et avec un son fils renardeau en bas âge. J’ai aimé ce cadrage non contraint des fils de vie, pas tous reliés à Yeowoo, et qui donne une dynamique libre et réelle à cet album, un véritable espace de réalisation de tous les possibles.

J’ai adoré le personnage de Paulette la poule, qui a eu le courage de quitter les siens pour s’installer parmi les renards, un choix très surprenant et qui s’est avéré payant ! Paulette ne désire pas de poussin, ce qui était très mal vu dans la société nataliste de la ville des poules, et c’est pourquoi Paulette a choisi de s’enfuir toutes ailes déployées (pas facile pour une poule !). Parmi les goupils, Paulette est une étrange étrangère à qui on laisse tout le loisir de s’adonner à sa grande passion, le jardinage sous serre, et cela lui convient très bien : elle est là où elle a choisi de s’installer, et elle fait ce qui lui plait !

Cette liberté d’esprit de Paulette a accroché l’attention de Yeowoo, qui s’en moque un peu au début par défi et manque d’assurance d’adolescente, avant de trouver en cette indépendance une résonance à sa propre existence où la renarde cherche toujours sa place. Cette thématique de la famille de cœur est traitée dans cette BD avec une sensibilité exceptionnelle. Le duo Yeowoo-Paulette se construit avec une harmonie atypique, en prise de becs parfois, en parlant un peu, et surtout en instants partagés délicats et émouvants. Particulièrement, j’ai été touché par la rencontre de Paulette et de la famille adoptive de Yeowoo, faite d’un peu de gène au début et finalement d’une bienveillance réciproque qui aide Yeowoo à surmonter sa rancœur envers toute sa famille. Il y a des morceaux de paix comme celui-ci qui deviennent la clé de voute pour l’équilibre de toute une vie, et c’est une opportunité que parvient à saisir Yeowoo.

Les illustrations de Yunbo sont toutes douces et aux couleurs harmonieuses, toujours dans le bon ton de la narration. J’ai été enthousiasmé par le character design des renards, avec leurs oreilles bien dans le vent et leurs teintes variées de pelage qui expriment à merveille leurs émotions ! Le détail des vêtements, notamment les tenues masculines de Yeowoo, revêtent une grande importance et participent beaucoup à l’immersion dans ce monde animal.

Il y a une ambiance fleurie et végétale tout au long de la BD, propice à s’apaiser soi-même tout autant que s’efforce de le faire Yeowoo. J’ai été particulièrement curieux des premières pages de chapitres, qui débutent à chaque fois par une fleur différente : un forsythia au chapitre 1, puis un œillet, du colza, des fleurs d’abricotier, une iris, du muguet, une anémone, un coquelicot, un mimosa, un myosotis, une violette, et pour finir un camélia. Ce n’est pas anodin là non plus, et cela donne respectivement en langage des fleurs : la franchise, la séparation, la compétition, le besoin de tendresse, la beauté, le retour du bonheur, la persévérance, l’éphémère, les retrouvailles, le souvenir, l’incertitude, et pour finir l’harmonie. Un parcours de vie ma foi très mouvementé, comme pour chacun de nous finalement !

Yeowoo, écoute-moi bien. On ne peut pas dire qui est normal ou qui est anormal. On est tous différents ! Dans la vie, trouver quelque chose qu’on aime faire peut prendre du temps. Certains le trouvent rapidement, d’autres beaucoup plus tardivement… Et toi tu es encore très jeune, tu as le temps… Il faut juste expérimenter des choses nouvelles pour trouver celles qui t’épanouira, c’est tout.

Je vous souhaite de prendre le temps et le calme pour profiter d’un joyeux printemps, fleuri de sourires 😊

Liam Azerio, fleuriste fleur bleue

Publié par LiamAzerio

Renard curieux !

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